LE CHANGEMENT DE DESTINATION EN URBANISME ET SES RISQUES VU PAR VOTRE AVOCAT !


 

L’évolution de l’immeuble

et les changements de destination

en droit de l’urbanisme

Si l’on prend l’exemple de la création de surface de plancher supplémentaire, celle-ci peut intervenir dans le cadre d’une surélévation de l’immeuble ou d’une extension et ne sera envisageable que pour autant que la structure de l’immeuble le permette.

Une extension de l’existant supposera que la constructibilité ne soit pas épuisée sur la parcelle, que les prospects soient respectés…

Les articles R.421-14 et R.421-17 du Code de l’urbanisme déterminent les travaux sur existant soumis respectivement à permis de construire (PC) et à déclaration préalable (DP).

Dans une moindre mesure, la modification de l’aspect extérieur, avec la création d’ouvertures, pourrait également être soumises à des contraintes techniques comme d’urbanisme.

En cas de création de surface de plancher, l’autorisation dépendra de la surface à créer, tout comme le changement de destination.

Elle relèvera du PC si ce changement s’accompagne de travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment ; faute de quoi, ce changement relèvera du régime de la DP (absence de travaux ou travaux n’affectant pas l’aspect extérieur ou la structure du bâtiment).

La question du changement de destination est d’autant plus délicate que :

– depuis la réforme des autorisations d’urbanisme de 2005 (en vigueur depuis le 1er octobre 2007), tout changement de destination est soumis à contrôle par le biais d’une DP ou d’un PC ;

– depuis la redéfinition des destinations depuis 2015, certains documents d’urbanisme n’ont pas intégré la nomenclature nouvelle desdites destinations.

I. LA DETERMINATION DU DOCUMENT D’URBANISME APPLICABLE ET LA REGULARITE DE LA CONSTRUCTION ANALYSEES PAR UN AVOCAT SPECIALISE EN DROIT IMMOBILIER

A / Qu’il s’agisse d’une opération soumise ou non à contrôle, il y a lieu de s’assurer de la faisabilité de l’opération au regard des règles d’urbanisme en vigueur au jour de la délivrance de l’autorisation.

Cette démarche suppose toutefois d’avoir au préalable identifié le document d’urbanisme applicable sur la commune : qu’il s’agisse d’un POS, d’un PLU, ou d’avoir acté l’absence de document d’urbanisme, la commune étant soumise au RNU.

B / La régularité de la construction comme condition de l’évolution

1 ) La régularité de la construction est également une condition de l’évolution de la construction, ce qui nécessite de définir les contours d’une construction régulière, laquelle supposerait d’avoir été édifiée dès l’origine en vertu d’une autorisation d’urbanisme, pour autant que cette autorisation ait été nécessaire et conformément à l’autorisation délivrée.

L’administration rappelle que la notion de construction existante implique la réunion de 2 conditions : – une existence légale ; – et une existence physique, ce qui suppose que la construction ne soit pas en état de ruine ou inachevée.

Elle sera considérée comme légale si elle a été construite avant la loi du 15 juin 1943 ou conformément au permis accordé en vertu de la législation applicable à l’époque de la construction.

2 ) Dans l’hypothèse d’une construction irrégulière, l’évolution de la construction ne sera envisageable que si la demande emporte régularisation de construction originelle, pour autant que cette régularisation soit possible, au regard de l’application des règles d’urbanisme (CE, 9 juillet 1986, n°51172).

Néanmoins, 2 tempéraments ont été apportés à ce principe de non évolution :

– par l’effet de l’article L.421-9 du Code de l’urbanisme (ex-L.111-12) “Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d’opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme…” ;

– par l’effet de la jurisprudence selon laquelle, depuis 2011, sont admis les travaux nécessaires à la préservation de la construction et au respect des normes d’une construction ancienne.

II. LA MISE EN OEUVRE AVEC UN AVOCAT D’UN CHANGEMENT DE DESTINATION

La notion de “destination” en droit de l’urbanisme est indépendante du sens qui peut lui être donné dans le cadre d’une autre législation, droit de la copropriété ou droit de la construction et de l’habitation…

La destination des constructions est un aspect important de l’utilisation des sols, que le droit de l’urbanisme a précisément vocation à contrôler.

C’est la raison pour laquelle les auteurs du PLU peuvent (R.151-30 et s. Code de l’urbanisme) :

– d’une part, interdire ou soumettre à des conditions particulières certaines destinations ;

– d’autre part, fixer, dans une même zone, des règles différentes (de desserte, de hauteur, d’implantation, de places de stationnement…) en fonction de la destination des constructions ;

– enfin, imposer une mixité des destinations ou sous-destinations au sein d’une construction ou d’une unité foncière ou faire bénéficier certaines destinations ou sous-destinations de bonus de constructibilité.

Depuis le 1er janvier 2016, le Code de l’urbanisme définit 5 destinations (R.151-27), lesquelles se déclinent en 20 sous-destinations (R.151-28).

Si les auteurs de PLU peuvent fixer des règles différentes en fonction des 20 sous-destinations, seuls sont soumis à contrôle préalable au titre de l’urbanisme (en principe à travers une DP) les changements de destination, autrement dit le fait de passer de l’une à l’autre des 5 grandes destinations énumérée à R.151-27.

Le passage d’une sous-destination à une autre sous-destination ne relève, en tant que tel, d’aucun contrôle administratif préalable dès lors qu’il est réalisé au sein de la même destination.

Par exemple, le fait de transformer un local de commerce de gros en local artisanal, ou un entrepôt en bureau, ne nécessite aucune formalité préalable au titre de l’urbanisme puisque dans un cas comme dans l’autre, l’opérateur reste dans la même “grande destination”.

Cependant attention : si le changement de sous-destination s’accompagne de travaux eux-mêmes soumis à PC, il faudra obtenir l’autorisation requise avant de commencer les travaux. En pareille hypothèse, l’accord de l’administration portera uniquement sur les travaux et non sur le changement de sous-destination.

A / Qualifier la destination d’une construction

1 ) Les actes de droit privé (règlement de copropriété…) comme les déclarations faites à l’administration fiscale ne sont pas pertinents ; en vertu du principe d’indépendance des législations déjà visé.

De même, la nature de la zone dans laquelle est incluse la construction n’est pas non plus une donnée appropriée pour qualifier la destination. Ce n’est en effet, par exemple, pas parce qu’une construction se situe dans une zone agricole d’un PLU qu’elle a forcément une destination agricole (CE 8 février 2017, n°398360).

Ce qui est déterminant est donc l’acte juridique ayant autorisé la construction ou, ultérieurement, son changement de destination. Ainsi, pour reprendre l’exemple précité, la résidence de l’exploitant agricole autorisée en tant que nécessaire à l’exploitation agricole a une destination agricole et non d’habitation.

2 ) La circonstance purement factuelle qu’une construction ait, postérieurement à son autorisation, servi à d’autres usages que celui prévu au permis ne lui fait en principe pas perdre sa destination initiale (CE 16 mars 2015, n°369553).

Le droit prime ainsi sur le fait sauf dans 3 cas.

a ) Les constructions anciennes, antérieures à 1943.

b ) Les constructions ayant régulièrement changé de destination sans autorisation à une date où la nouvelle destination n’était soumise à aucune autorisation préalable au titre de l’urbanisme ; c’est alors la nouvelle destination qui doit prévaloir (ex : changement de sous-destination à l’intérieur d’une même destination…).

c ) Les constructions ayant irrégulièrement changé de destination pour autant que les conditions de l’article L.421-9 Code de l’urbanisme précité soient remplies (antériorité de 10 ans…).

B / Conséquences d’un changement de destination irrégulier

1 ) Le risque administratif

La construction ayant fait l’objet d’un changement de destination (ou de sous-destination) irrégulier supporte potentiellement le risque de paralysie de la construction ; ainsi que l’absence de droit de reconstruire à l’identique.

a ) L’absence de droit de reconstruire à l’identique

L.111-15 et L.421-9 Code de l’urbanisme.

b ) La paralysie de la construction

En application de la jurisprudence Thalamy (CE 9 juillet 1986, n°51172), dont une version consolidée a été donnée par l’arrêt De La Marque (CE 16 mars 2015, n°369553), à moins que la nouvelle destination puisse être régularisée en application des règles en vigueur, il est impossible d’obtenir une nouvelle autorisation pour modifier une construction dont la destination a été irrégulièrement modifiée.

Depuis la loi ENL du 13 juillet 2006, la paralysie ne joue plus que si le changement de destination irrégulièrement réalisé nécessitait un PC qui n’avait pas été obtenu (L.421-9). S’il ne requérait qu’une décision de non-opposition à la DP, ou a fortiori s’il était dispensé de contrôle préalable comme c’est le cas depuis 2016 pour les changements de sous-destination en principal ; la jurisprudence Thalamy cesse de s’appliquer au bout de 10 ans à compter de la réalisation du changement de destination irrégulier.

En la matière, le non-respect de la destination prévue au PC ne se produit pas par “inadvertance” ; elle est considérée comme systématiquement constituée.

2 ) Le risque civil

a ) Les tiers auxquels le changement de destination irrégulier a causé un préjudice peuvent attaquer en responsabilité son auteur pendant 5 ans à compter de la manifestation du dommage.

En application de l’article L.480-13 Code de l’urbanisme, le délai de prescription est de 2 ans si le changement de destination irrégulier a été réalisé avec un PC et conformément à ce PC. Ici, le responsable s’expose à des dommages & intérêts et/ou à une mesure de restitution.

b ) La commune ou l’EPCI peut demander devant le tribunal judiciaire (ex-TGI) (L.480-14 Code l’urbanisme) la remise en état de l’immeuble pendant 10 ans suivant la réalisation du changement de destination irrégulier.

A la différence des tiers, l’administration n’a pas à se prévaloir d’un quelconque préjudice. Ce préjudice existe du simple fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme.

3 ) Le risque pénal

Condamnation à une amende attachée à la personne du délinquant et à une mesure de restitution attachée au bien (obligation de remise en état du bien laquelle se transmet le cas échéant en cas de vente).

Cette action se prescrit par 6 ans depuis la loi du 27 février 2017 ; pour tous les changements de destination irréguliers réalisés après le 29 février 2014 (prescription de 3 ans avant).

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